Depuis quelques semaines, nous sommes tous testés comme nous ne l’avons jamais été, individuellement, collectivement et organisationnellement. Il devient de plus en plus évident que nous pourrons désormais parler d’un ‘avant le coronavirus’ et d’un ‘après le coronavirus’. Ces moments d’une rare intensité nous transformeront sur différents points et à des degrés variables et contraignent les entreprises et leurs dirigeants à un exercice d’équilibre les obligeant à revoir leurs points d’appui.
Quelle que soit l’approche de la gestion du changement préconisée, tous les modèles assurent que le changement est porteur d’opportunités… une parole encourageante, que l’on a très souvent entendue dernièrement. Dans ce bouleversement individuel, familial, professionnel et sociétal il y aurait donc des opportunités à saisir, et, nous le croyons, des opportunités pour contribuer au bien commun (“greater good’). Encore faut-il être capable et prêt à les voir. Comment s’évader de la brutale réalité à laquelle nous faisons face tous les jours dans les médias afin de réfléchir à celles-ci ? De quelle nature sont-elles pour l’entreprise d’ici ou d’ailleurs ? Quel environnement nous permet de les déceler ? Comment s’inscrivent ces opportunités dans la réalité de l’entreprise en dehors de la crise ?
Afin de donner un cadre à nos réflexions, nous vous proposons de bâtir à partir du modèle de transition de William Bridges qui décrit les grands tournants de la vie. Il décrit le processus de transition qui, au-delà du changement lui-même souvent associé à un événement particulier (ie ici la pandémie), représente le processus psychologique par lequel nous passons tous lors de transformations. Force est de constater que les entreprises passent elles aussi au travers de tels processus. Ce processus se déroule généralement en 3 phases :
Première phase : la fin
Cette phase se caractérise par des sentiments de deuils importants et de pertes (de personnes, d’identités, de statuts,...). Il génère des sentiments de colère, de déni, de ressentiment, d'anxiété et de peur. S’installe souvent alors le sentiment qu’il est nécessaire de laisser le passé derrière soi et de tourner la page.
Cette phase se constate tant au point de vue individuel qu’organisationnel. Il est alors important, durant cette phase, de rechercher activement toutes les informations nécessaires pour comprendre ce qui se passe et pour faire face efficacement aux changements. Il est également important de reconnaître et accepter la nécessité de traverser un moment de deuil. Comme entreprise, il importe de communiquer, ouvertement, avec franchise et empathie, régulièrement. Il faut s’attendre à et accepter les signes de deuil et accepter que les employés pourront vivre les choses différemment et que cela pourrait affecter leur activité et engagement habituel.
Deuxième phase : la zone neutre
Durant cette phase, le passé semble loin derrière, mais le futur n’est pas encore clair. Il s’agit d’une période d’entre-deux et de chaos, où les gens et les organisations se sentent désorientés. Il importe alors de rétablir les 4 éléments détruits par la phase précédente: le contrôle, la compréhension, le soutien et la raison d’être. Reprendre contrôle, autant que possible, sur certains éléments de notre vie et de notre organisation. Redéfinir certaines façons de fonctionner que nous pourrons maîtriser mieux (ex : télétravail, changements de pratiques, livraisons, etc.). Mieux comprendre ce qui se passe, trouver du soutien ou offrir du soutien à d’autres. Retrouver sa raison d’être, ou une nouvelle raison d’être, même si la seule plausible, en ce moment, est de passer au travers de cette crise.
Le fait de penser aux autres, de se donner, d’agir pour le bien commun peut représenter cette raison d’être, permettre de se sentir en contrôle, d’offrir et d’obtenir du soutien.
Également important à ce moment, la créativité. La période de la zone neutre, en ayant détruit les structures passées, les ‘interdits’, les façons habituelles de faire, crée une zone hautement créative qui permet de repenser les solutions, les processus et d’innover. Il est temps d’en profiter afin de tirer profit d’opportunités potentielles. Et encore mieux, si celles-ci permettent d’améliorer le sort d’autres autour de nous ! Le sens, ça fait du bien !
Troisième phase : le nouveau départ
Au cours de cette phase, nous commençons à imaginer et à se projeter dans le futur. On se lance vers un nouveau chapitre et un renouvellement se dessine. Il est possible de visualiser le succès, malgré les difficultés passées et d’entrevoir un avenir positif. Durant cette phase, il est particulièrement important de construire cette nouvelle vision, de comprendre notre raison d’être, celle de notre organisation, et d’aligner nos valeurs avec nos nouveaux objectifs.
Chaque personne et chaque organisation passeront au travers de ces phases lors de transitions importantes, mais à des rythmes et au travers de chemins différents. Même si on remarque aujourd’hui que la majorité des entreprises sont quelque part entre la première et la deuxième phase il n’y a pas de réponse absolue ni résolue. Qui plus est, rarement ne vivrons-nous qu’une seule transition à la fois. De mieux connaître ce modèle et, comme entreprise, ce que cela révèle, nous serons davantage en mesure de tirer profit des opportunités qui se dessinent et qui s’offrent à nous.