Les initiatives d’engagement sociétal se multiplient et ne se ressemblent pas. Il n’y a pas de solution miracle ni de formule magique. Il y a cependant de bonnes pratiques à observer. Bien souvent, cela commence par une réflexion puis une action, la constatation de l’effet ou l’impact de celle-ci et rapidement, cela peut devenir addictif. Nous vous proposons de porter notre regard d’expert sur différentes initiatives, d’apporter quelques pistes de réflexion et de souligner quelques bonnes pratiques, en espérant que cela vous inspire.
La première initiative que nous souhaitions passer à la loupe est le projet du respirateur CAE Air 1 de CAE, entreprise montréalaise spécialiste de la sécurité, principalement dans le domaine aéronautique mais aussi dans celui de la défense et de la santé. Nous avons rencontré Hélène V. Gagnon, Vice-présidente principale, Affaires Publiques, communications mondiales et responsabilité sociale d’entreprise de CAE, au sujet de ce projet atypique à forte composante d’engagement sociétal et de partenariat, deux sujets qui nous passionnent et nous animent.
Le projet du respirateur CAE Air 1 de CAE est un bon exemple de création de valeur, à la croisée d’expertises techniques pointues, d’une problématique sociétale majeure et d’une mobilisation exceptionnelle.
« Quel pourrait être notre rôle à valeur ajoutée en fonction de nos compétences pour continuer avec cette mission qui vise à améliorer la sécurité ? »
D’une façon générale, à Umalia, nous encourageons à rechercher l’alignement entre les actions posées et la mission de l’organisation. Ce souci d’alignement et d’ancrage dans la mission va au-delà de l’appréhension d’une potentielle dichotomie identitaire ou communicationnelle. Il s’agit de donner du sens à l’action pour toutes les parties prenantes internes ou externes.
A aucun moment CAE ne s’est écartée de sa mission première « rendre le monde plus sécuritaire » en conduisant le projet CAE Air 1. Au contraire, ce projet et la mission s’alimentent et se renforcent l’un l’autre. Il faisait sens pour les différentes parties prenantes, employés, partenaires, clients et même pour le gouvernement, de s’engager dans un tel projet avec CAE de façon presque organique.
En approchant l’engagement sociétal comme une continuité de la mission première et non quelque chose d’extra, nous supprimons, avant qu’elles existent, des barrières qui pourraient naître d’une incohérence de sens.
En plus de garantir la cohérence, l’ancrage avec la mission permet de s’assurer que les résultats obtenus, recherchés ou non, seront nourrissants pour l’entreprise. On le voit avec l’exemple de CAE pour qui ce projet est devenu synonyme de nouvelles lignes d’affaires et de nouveaux partenariats dans la continuité de ce qu’ils sont déjà dans leur ADN.
Un autre aspect à prendre en compte lorsque l’engagement sociétal se concrétise en projets est l’alignement à la mesure de l’organisation, afin que l’initiative soit :
- Possible,
- Réussie,
- Intégrée aux rouages de l’organisation, institutionnalisée et donc durable.
« Un partenaire qu’on sous-estime, c’est le partenariat interne»
Dans une société où 78% des milléniaux déclarent intégrer l’impact sociétal comme critère de choix au moment de rejoindre un employeur, trouver du sens dans ce que fait l’entreprise, notamment en période de crise, devient une nécessité. Surtout lorsque la société interroge l’« essentialité » de certains de ses travailleurs, pouvant déclencher chez eux une réflexion individuelle sur leur propre raison d’être et celle de leur organisation.
Avec le respirateur CAE Air1, CAE a offert à ses employés un projet réceptacle de toute l’énergie libérée par des questionnements très personnels tels que« que puis-je faire dans tout cela ? », « quelle est ma contribution à cette crise qui nous ébranle tous ? » « pourquoi viens-je travailler, pour qui ? ».
« Il y avait une gouvernance importante, jusqu’à l’équipe de direction »
Un élément clé de la réussite de tout partenariat, particulièrement lorsque celui-ci implique de multiples parties prenantes, réside dans sa gouvernance et son animation. En plus de bien préparer le terrain du partenariat, il est nécessaire de s'asseoir régulièrement ensemble pour s’assurer de son avancée harmonique. Par gouvernance, ici, nous parlons entre autres de l’établissement clair des rôles et responsabilités, des modes de décision, des stratégies de communication, des modes de suivi et évaluation et de la mesure d’impact. Il importe ainsi d’asseoir une gouvernance inclusive qui représente toutes les parties.
Bien que l’urgence de la situation et la rapidité remarquable de ce projet n’aient pas permis de mettre en place les rouages de gouvernance que l’on retrouve habituellement dans des partenariats aussi complexes, deux éléments de gouvernance sont très intéressants et à retenir du projet de CAE :l’engagement de toute l’organisation jusqu’à la haute direction et la disponibilité pour les partenaires. Il faut bien entendu remettre cela en contexte d’urgence mais cette agilité au service de l’objectif commun a permis de garantir la fluidité du partenariat et l’appropriation par tous du projet.
Il est évident que cet engagement jusqu’au plus haut niveau, de façon aussi suivie et avec des ressources clairement allouées touche également à la notion de priorisation du projet.
«C’était l’agilité à son paroxysme»
La vivacité et la souplesse dans les prises de décision et pose d’actions, deux éléments qui caractérisent l’agilité, sont mobilisées dans les situations d’urgence et particulièrement présents dans les cellules de crise.
On comprend bien qu’avec le projet du respirateur CAE Air 1, la conception, certification et production de ce type de produit, dans cette quantité et dans ce contexte, ont imposé cette vivacité et souplesse au quotidien de toute l’organisation et de ses partenaires. Nous pouvons presque parler ici d’agilité systémique, dans la mesure ou chaque changement impactait le système en entier.
« On était là ensemble pour sauver des vies »
« La mobilisation était tellement liée à la fierté de tout le monde, (…) que la mobilisation n’a pas été un enjeu. »
On se retrouve ici dans le schéma classique donnant naissance à des partenariats multisectoriels : la rencontre d’un défi majeur et la nécessité de collaborer due à la complexité de la réponse. Lorsque l’objectif est clair et que tous y voient un bénéfice potentiel, il est plus facile de ramer dans la même direction et de mobiliser les énergies de façon durable.
Ici, dans le cas de CAE, non seulement les organisations y voyaient un bénéfice potentiel mais chacun y voyait la possibilité d’avoir un impact évident.L’impact positif était de taille puisqu’il ne résonnait pas seulement dans un secteur de la société mais dans sa totalité, au-delà de toute frontière, avec une urgence connue de tous (contrairement à d’autres types de problématiques sociétales ou environnementales où les conséquences directes ne sont, pas encore, expérimentées par tous).
La mobilisation et l’engagement des énergies résonnait aussi au niveau personnel, quoi de plus noble que de sauver des vies. Ce sentiment d’accomplissement et d’œuvrer pour ‘plus grand que soi’ porte en effet l’individu à s’investir davantage.
Un élément clé de la mobilisation et de sa tenue dans le temps et à travers chacune des organisations impliquées a été la communication.Ce projet, par sa pertinence, son ampleur et sa raison d’être a été rassembleur(plus de 300 propositions de contributions spontanées !). Encore une fois, l’alignement avec la mission, la réponse concrète à une problématique sociétale connue de tous et l’authenticité de la démarche ont permis que les communications de CAE aient un effet d’attraction et de mobilisation. Nous notons également que dans ces communications, la parole a été donnée en priorité aux employés et partenaires. A Umalia, nos clients expriment souvent leurs craintes d’être taxés de « greenwashing » ou de paraître opportunistes ; ces pratiques ont permis à CAE de demeurer ancrés et authentiques.
« Que ce soit CAE ou autre, ça nous a permis de développer de nouvelles compétences et lignes d’affaires »
Comme nous l’avons déjà mentionné, pour garantir le succès d’un partenariat multipartite, il est essentiel que chaque partie trouve un intérêt et bénéfice à son engagement. S’ouvrir à ce genre de partenariat, c’est accepter d’utiliser ses compétences, outils et connaissances dans un nouveau contexte, de les transférer et confronter à d’autres cadres de références, d’autres attentes, et, dans le cas du respirateur CAE Air1, d’autres délais et d’autres volumes.
Comment ce défi audacieux a-t-il pu être relevé en seulement quelques mois ? L’innovation créée a rendu possible ce qui, quelques mois, quelques semaines ou jours auparavant, n’aurait pas semblé possible, surtout dans un laps de temps si court. Une piste de réponse se trouve dans le fait que CAE et les autres partenaires impliqués se sont appuyés sur des compétences ancrées au sein dans leur organisation et ont joué de leurs forces (contacts, compétences, ressources diverses, …).
Pour CAE et ses partenaires, ce projet a permis une innovation qui a ouvert la voie à de nouvelles lignes d’affaires, dans un contexte, l’aéronautique, où les lignes d’affaires principales étaient sérieusement compromises pour le court et le moyen terme.
« Ca nous a amené à complètement redéfinir notre mission, notre vision, notre plan d’affaires »
Cette expérience a permis à CAE de révéler certaines de ses forces, comme la haute technologie, et de les centrer au cœur de son identité. L’expérience, les nouveaux acquis rendus possibles grâce à son agilité, ses ressources et compétences uniques lui ont permis de voir de nouvelles perspectives et de repenser sa mission.
Avec un contexte plus que jamais axé sur la santé et la sécurité, leur mission va maintenant au-delà de la formation et met l’accent sur la sécurité et la technologie, ouvrant de par le fait même de nouvelles lignes et opportunités d’affaires.
Sans oublier l’essence de son identité ni ses valeurs debase, CAE a réussi à stimuler l’innovation non seulement de ses produits mais également de son modèle d’affaires et à s’adapter à un monde en grande transformation.
Ainsi, cet exemple de CAE démontre tout le bénéfice et la valeur ajoutée qu’on peut tirer d’un engagement répondant à un besoin sociétal tout en nourrissant l’entreprise et ses parties prenantes de multiples façons.